Les perles du cinéma africain
Dès 1997, le Fespaco présente 4 longs métrages réalisés par des femmes parmi les 19 productions en compétition. Et, tous les deux ans, en alternance avec le Fespaco, une biennale est consacrée uniquement aux femmes cinéastes africaines. Il s’agit des Journées Cinématographiques de la Femme Africaine de l’image (JCFA). Le but est de promouvoir le travail et reconnaître le mérite de celles qu’on se plaît à nommer les amazones du grand écran. C’est amplement mérité, car à côté des hommes du cinéma, ces femmes scintillent comme de véritables joyaux…
L’avalanche des pionnières…
Comme dans la plupart des domaines d’activité en Afrique, le monde du cinéma compte peu de femmes qui tiennent les rênes du tournage. Si elles se contentaient de prêter leurs jolies frimousses aux réalisateurs mâles, les femmes africaines en ont voulu plus et en font plus dans l’industrie du 7e art. L’insertion des femmes dans le métier du cinéma s’est faite progressivement sur le continent en partant de l’Egypte, avec des actrices comme Aziza Amir (1901 – 1952), actrice-productrice-réalisatrice ; Fatma Rochdi (1908 – 1996), actrice-productrice ; Assia Dagher (1908 – 1986), actrice et productrice.
Puis, après la Seconde Guerre mondiale, en Tunisie avec Kalthoum Bornaz (1945 – 2016), réalisatrice-scénariste-productrice ; au Maroc avec Farida Bourquia née en 1948, réalisatrice et en Algérie avec Djamila Sarhaoui née en 1950, réalisatrice-productrice. Ces grandes figures du Maghreb qui ont tenu les premières, l’étendard ont ouvert la voie à une autre génération de femmes cinéastes qui ont, tout aussi valablement porté le flambeau.
La génération des indépendances…
Avec cette génération, il n’est pas question seulement de montrer aux hommes que la femme peut tenir les rênes d’une production de cinéma. Il s’agit de montrer, à travers la fiction les combats de la femme. Dénoncer la condition de la femme africaine, l’instruire, la valoriser. Et c’est dans cette dynamique que plusieurs cinéastes d’Afrique noire se lancent après les indépendances. On peut citer pêle-mêle, Thérèse Sita-Bella (1933 – 2006), journaliste-pilote-réalisatrice camerounaise ; Safi Faye, née en 1943, réalisatrice, anthropologue et féministe sénégalaise ; son documentaire Lettre paysanne (1972) est considéré comme le 1er long métrage réalisé. Elle est donc la 1ère femme réalisatrice de cinéma en Afrique. Plusieurs autres femmes réalisatrices s’illustrent dans le milieu. Elles sont très critiques et surtout engagées pour l’amélioration de la condition de la femme sur le continent et la diaspora. En 1994, la tchadienne Zara Mahamat Yacoub dans son court-métrage Dilemme au féminin prône l’égalité de la femme tchadienne. Quand la togolaise Anne-Laure Folly, toujours en 1994, se tourne sur le mariage forcé, l’excision et le sida, dans Femmes aux yeux ouverts. La polygamie, guerre ethnique, le sort des femmes pendant les guerres civiles le viol, l’éducation de la jeune fille, sont autant de sujets que nos amazones du grand écran touche du doigt dans leurs productions. Fanta Régina Nacro (Burkina Faso) La Nuit de la vérité ; Anne-Laure Folly (Angola) Les Oubliées (1997) ; Tsitsi Dangarembga (Zimbabwe) Kare Kare Zwako (La Fête des mères), 2004 ; Isabelle Boni-Claverie, scénariste-réalisatrice (franco-ivoirienne) Trop Noire pour être Française ?
Les nouvelles perles…
Elles ne sont plus peu nombreuses. Et leur parcours atypique et leur audace les propulsent au plus haut sommet de l’art mondial. Entre leur main, la flamme allumée par les pionnières, entretenue par “les indépendantes’’ est plus que jamais étincelante.
Dounia Boutazout ; actrice marocaine
C’est le 13 juin de l’année 1981 que cette talentueuse représentante du Maghreb a vu le jour à Casablanca. Diplômée en art dramatique, Dounia apparaît pour la première fois à la télévision en 2005. En 2006, à seulement 25 ans, elle fait sa première planche avec la pièce de théâtre Rouge + bleu = violet. Au fil de ses jeux de scène dans les pièces de théâtre, séries télévisées et sitcoms (comédie de situation), elle devient la reine de l’improvisation. Ce que le public adore ! Entre 2005 et 2016, Dounia tourne dans 19 films et 11 pièces de théâtre. Et ce n’est pas fini ! Notre pétillante princesse du Maghreb en a encore à revendre. Prix de la meilleure comédienne en 2007 et 2010 pour Moumou Boudrrsa et Naker Lahsan ; Prix du meilleur second rôle en 2010 avec la série Jouha ya Jouha ; et un Prix de sa Majesté le Roi Mohamed VI avec la série L’couple en 2013.
Maïmouna Ndiaye ; actrice sénégalaise
On la compte parmi les plus brillantes actrices d’Afrique. Né en France, elle a grandi en Guinée, puis vécu en Côte d’Ivoire avant de s’installer eu Burkina Faso. Titulaire d’une maitrise en Anthropologie théâtrale, c’est dans l’art dramatique que Mouna traine sa bosse avant de se tourner vers le cinéma. La série policière burkinabè Marc et Malika dans laquelle elle incarne le rôle de l’inspectrice Malika la révèle au grand public. Mais c’est le long-métrage L’œil du cyclone qui lui vaudra le Prix du 1er rôle féminin au Fespaco 2015 et le Prix de la meilleure actrice du cinéma africain (Sotigui d’Or) à la 1ère édition de la Nuit des Sotigui en 2016 (festival qui récompense les acteurs africains et de la diaspora). L’ex-mannequin y incarnait le rôle d’une avocate intransigeante et un peu “coincée’.
Lupita Amondi Nyong’o ; Actrice-réalisatrice mexicaine-kényane
Lupita Nyong’o est la 1ère actrice mexicaine et kényane et la 15e actrice débutante à détenir un Oscar. La talentueuse et pétillante ambassadrice du cinéma africain naît au Mexique le 1er mars 1983 et passe son enfance dans son pays d’origine, le Kenya, où elle fait ses études primaires et secondaires. Lupita fait sa 1ère planche à 14 ans. Après l’obtention, à Nairobi, de son baccalauréat international, cette fille de sénateur s’envole pour les USA où ses études en art dramatique à l’Université de Yale se soldent par une maitrise, en 2012. Mais sa carrière d’actrice pro débute en 2008. Entre 2008 et 2016, elle joue dans 7 productions dont Sugar et Star Wars et écrit le scénario puis réalise un film documentaire In My Genes, en 2009. La belle à la peau d’ébène est attendue cette année dans Star Wars, épisode VIII et en 2008 dans Black Panther. Au titre de ses récompenses, on préfère juste vous en donner le nombre : 25 pour le moment. Avec son film documentaire Lupita gagne le 1er Prix au festival de Cine Africano de Mexico. C’est son rôle dans Twelve Years a Slave qui lui vaut une pluie de récompenses. Elle collectionne 17 distinctions en 2013 dont ceux de meilleure actrice dans un second rôle (14), révélation de l’année (1), meilleur second rôle espoir féminin(2). En 2014, elle obtient 8 autres récompenses dont le très convoité Oscar de meilleure actrice dans un second rôle.
Françoise Ellong ; scénariste et réalisatrice camerounaise
A 29 ans, cette talentueuse et prometteuse cinéaste peaufine son talent et inscrit petit à petit son nom dans ce cercle très valorisant des femmes du 7e art africain. Amoureuse de l’écriture, ce mode d’expression la conduit vers l’écriture scénaristique. Elle écrit le scénario de Les colocs, en 2006. À 18 ans. Puis se découvre une passion pour la réalisation. Mais il n’y pas de choix à faire. Puisque scénariste et réalisatrice est une combinaison qui marche ! Françoise, réalise et/ou écrit des scénarios d’une dizaine de films entre 2006 et 2014. Après le travail, la récompense dit-on. N’est-ce pas ? La liste encore “short’’ des récompenses de la Camerounaise s’ouvre en 2013 avec le Dikalo Award d’encouragement pour une 1ère œuvre au Festival Panafricain de Cannes. En 2014, W.A.K.A ; son premier long métrage obtient le Prix spécial du Jury au Khourigba, au Maroc. Par ailleurs, W.A.K.A est le premier film camerounais à faire l’ouverture des Ecrans Noirs et projeté dans 16 pays à travers le monde dont au Hollywood Film Festival, aux Etats-Unis d’Amérique. Aujourd’hui, le promoteur des Ecrans Noirs a fait de Françoise Ellong l’une des programmatrices de cet autre rendez-vous du cinéma africain.